Cass. com., 12 juillet 2011 n° 11-40033 - Rejet d’une QPC relative à l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle.
par Lucien Castex le 27 juillet 2011

De la preuve et de la validité des constatations des agents assermentés de l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle.

La QPC déclarée irrecevable par la chambre commerciale de la Cour de cassation visait les constats de l’article L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle. De tels constats sont notamment utilisés par l’Agence pour la protection des programmes (APP) ou encore la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) par renvoi de l’article L. 331-24 du Code de la propriété intellectuelle. Une question intéressante, à suivre...

Les articles L. 331-1 et L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle

Les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire.

Les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués ont qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge.

Le bénéficiaire valablement investi à titre exclusif, conformément aux dispositions du livre II, d’un droit exclusif d’exploitation appartenant à un producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes peut, sauf stipulation contraire du contrat de licence, exercer l’action en justice au titre de ce droit.L’exercice de l’action est notifié au producteur.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle au recours à l’arbitrage, dans les conditions prévues aux articles 2059 et 2060 du code civil.

Article L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle

Outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions des livres Ier, II et III du présent code peut résulter des constatations d’agents assermentés désignés selon les cas par le Centre national du cinéma et de l’image animée, par les organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1 et par les sociétés mentionnées au titre II du présent livre. Ces agents sont agréés par le ministre chargé de la culture dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat.

Sur Legifrance

Tribunal de commerce de Paris, 18 mai 2011, 19ème chambre.

Transmission de la QPC à la Cour de cassation en ces termes : « les dispositions de l’article L.331-2 du code de la propriété intellectuelle portent-t-elles atteintes aux droits et libertés garantis par la constitution et, plus particulièrement, au principe d’égalité, au droit à un procès équitable et au principe de sécurité juridique garantis par l’article 16 de la DDHC, ainsi qu’à l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi garanti par les articles 4,5,6 et 16 de la DDHC ? »

Sur le sérieux de la QPC le tribunal précise que « le fait que le constat établi par un agent agréé de l’APP – ou d’un autre organisme de défense professionnelle régulièrement constitué - ait même valeur probante que celui d’un huissier ou que les constatations d’un officier ou agent de police judiciaire, sans que son auteur soit soumis aux règles strictes qui s’appliquent à ces professions, pourrait alors remettre en cause l’égalité des armes dont doivent disposer les parties à un litige, et donc le droit de chacun à un procès équitable. Il en résulte, sans qu’il soit besoin d’analyser les autres moyens développés par AMAZON SERVICES EUROPE, que la question posée n’est pas dépourvue de sérieux. »

Cour de cassation, chambre commercial, 12 juillet 2011.

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu que la question posée est de savoir si "les dispositions de l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, plus particulièrement, au principe d’égalité, au droit à un procès équitable et au principe de sécurité juridique garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi garanti par les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen" :

Mais attendu que la disposition contestée n’est applicable ni au litige, ni à la procédure dès lors qu’il n’est allégué aucune atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins ;

Que la question posée est dès lors irrecevable en application des articles 23-2 (1°) et 23-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE la question prioritaire de constitutionnalité ; »

Jurisprudences connexes.

- Cour d’appel de Paris, 31 octobre 2007, 4ème chambre, section A (Red Sound Systems / Emmanuel P.).

«  Qu’il s’ensuit que le constat de I’APP, dès lors qu’il porte sur la constatation d’une infraction au droit des marques, n’est pas légalement admissible à titre de preuve dans le litige de l’espèce ainsi que le soutient à juste titre la société Red Sound Systems ; »

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris reproduit sur Legalis

- Tribunal de grande instance de Paris, 12 décembre 2007, 3ème chambre, 3ème section (Syndicat Français de la Literie / Google France).

« Le tribunal rappelle que la preuve dans les matières fondant les demandes peut être apportée par tous moyens et que le constat litigieux n’est pas un acte d’huissier. Dès lors il importe peu que la preuve de l’assermentation de l’agent de I’APP ne soit pas rapportée et ce d’autant plus que les constatations ont été effectuées selon les règles à suivre en la matière et que la société Google ne conteste pas ces constatations. »

Le jugement du TGI de Paris reproduit sur Legalis.net

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