Cass. 1re civ., 4 novembre 2010, n° 09-16.839
par Lucien Castex le 3 décembre 2010

De la concurrence entre l’obligation alimentaire des enfants et le devoir de secours du conjoint.

Si le devoir de secours prime, le conjoint qui se trouve dans l’impossibilité de fournir seul les aliments peut subsidiairement se tourner vers ses enfants.

Article 205 du Code civil

Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin.

Article 212 du Code civil

Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.

Ci-dessous l’arrêt

« LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 205 et 212 du code civil ;

Attendu que l’Association tutélaire 81, agissant en qualité de gérant de tutelle de Mme Marie-Jeanne X..., a fait assigner son mari, M. Pierre X..., et ses quatre enfants, aux fins d’obtenir l’augmentation de leur contribution aux frais de son séjour en maison de retraite, au titre de leur obligation alimentaire ;

Attendu que pour condamner M. Pierre X... et ses quatre enfants à verser une pension alimentaire, l’arrêt retient qu’il convient de répartir entre les débiteurs le montant fixé, tout en rappelant qu’il revient d’abord à M. Pierre X... d’apporter son aide financière à son épouse au titre du devoir de secours ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans constater que le mari, tenu à un devoir de secours qui prime l’obligation alimentaire découlant de la parenté, se trouvait dans l’impossibilité de fournir seul les aliments dont son épouse avait besoin, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 21 octobre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Condamne l’Association tutélaire 81, ès qualités, Mme Marie-Jeanne X..., M. Pierre X..., Mmes Marie-Anne et Catherine X... et M. Thierry X... aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile et l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour Mme Sylvie X...

En ce que l’arrêt attaqué fixe l’obligation alimentaire de M. Pierre X... et de ses enfants, dont Melle Sylvie X..., envers Mme Z...- X..., leur épouse et mère, aux sommes de 355 euros, 75 euros, 125 euros, 205 euros et 105 euros

Aux motifs que les ressources mensuelles de Mme Z... sont insuffisantes pour couvrir ses dépenses ; que la Cour écartera les prétentions de Melle Sylvie X..., appelante, concernant les demandes de communication de différents documents avant dire droit auprès de divers tiers ; qu’en effet, les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction, sauf au juge à tirer toutes conséquences d’une abstention ou d’un refus ; que le premier juge a justement estimé qu’il a été donné aux parties tout le temps nécessaire pour produire toutes pièces justificatives de ses ressources et de ses charges et qu’il n’y avait par conséquent pas lieu de différer le prononcé de la décision en ordonnant à des tiers de produire les documents qu’il aurait pu communiquer depuis plusieurs mois ; que sur la situation de M. Pierre X..., ce dernier n’a manifestement pas communiqué la totalité de ses revenus ;

Alors, d’une part, que l’autonomie et l’indivisibilité du ménage interdisent à l’un des époux de demander des aliments à une autre personne s’il peut les obtenir de son conjoint ; que, par suite, la Cour d’appel, qui constate que M. Pierre X... n’a manifestement pas communiqué la totalité de ses revenus, n’a pas pu se prononcer sur l’impossibilité pour lui de fournir seul les aliments dont son épouse avait besoin, et a ainsi violé les articles 205 et 212 du code civil ;

Alors, d’autre part, que le juge peut, à la requête d’une des parties, demander ou ordonner au besoin à peine d’astreinte la production de tout document détenu par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime ; que, par suite, la Cour d’appel, qui relève tout à la fois que M. Pierre X... avait disposé de « tout le temps nécessaire pour produire toutes pièces justifiant de ses revenus et de ses charges et qu’il n’y avait par conséquent pas lieu de différer le prononcé de la décision en ordonnant à des tiers de produire les documents qu’il aurait pu communiquer depuis plusieurs mois » et qu’il « n’a manifestement pas communiqué la totalité de ses revenus », a méconnu son office et violé l’article 11 du code de procédure civile. »

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