Cass. com., 21 septembre 2010, n° 09-11.707
par Lucien Castex le 15 octobre 2010

Formalisme des cessions Dailly : seul le cédant peut invoquer l’inopposabilité résultant du défaut de pouvoir du signataire d’un bordereau de cession de créances Dailly.

Ci-dessous un extrait de l’arrêt

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., nommé en qualité de mandataire judiciaire de l’Association départementale des amis et parents des enfants inadaptés de la Martinique (ADAPEI), de sa reprise d’instance ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Basse-Terre, 29 octobre 2008), rendu sur renvoi après cassation (2e chambre civile, 21 avril 2005, pourvoi n° J 03-16.074), que la société Service bâtiment travaux publics (la société BTP), chargée de la construction d’une maison d’accueil par l’Association départementale des amis et parents des enfants inadaptés de la Martinique (ADAPEI) a, le 14 décembre 1995, cédé, dans les formes des articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, sa créance sur l’ADAPEI au Crédit d’équipement des petites et moyennes entreprises, aux droits duquel est venue la société Oseo BDPME la banque) ; que, soutenant que l’ADAPEI avait effectué des paiements entre les mains d’autres créanciers, la banque l’a assignée en paiement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’ADAPEI fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à la banque une somme de 345 545,02 euros, correspondant au montant de la cession de créances diminuée des paiements, outre intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le bordereau de cession des créances professionnelles est signé par le cédant, que la signature est apposée soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit ; qu’en l’absence d’une délégation de pouvoirs, seul le gérant a le pouvoir d‘agir au nom d’une société à responsabilité limitée, qu’en l’espèce, l’ADAPEI soutenait que l’acte de cession était nul et même inexistant car seul le responsable administratif de la société BTP, non titulaire d’une délégation de pouvoirs a apposé sa signature sur l’acte du 14 décembre 1995 ; qu’en se bornant à relever qu’un bordereau de cession peut être signé par un préposé du cédant disposant d’une délégation de signature, que l’acte en litige porte la signature du responsable administratif de la société BTP assortie du cachet de la société, et que l’ADAPEI ne serait au demeurant pas en droit de contester l’existence du mandat ayant permis de procéder à la cession, l’arrêt attaqué, qui a omis de tirer les conséquences légales qui s’imposaient de ses propres constatations, et de rechercher si le responsable administratif était titulaire d’une délégation de signature du gérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 313-25 du code monétaire et financier et L. 223-18 du code de commerce ;

2°/ que l’ADAPEI soulignait dans ses conclusions que le bordereau de cession de créances du 18 décembre 1995 était nul comme ayant été signé par le directeur administratif de la société BTP qui ne disposait pas de la délégation de signature du gérant de cette société ; qu’en s’abstenant de répondre aux conclusions de l’ADAPEI, l’arrêt attaqué a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le défaut de pouvoir du signataire d’un bordereau de cession de créances Dailly est sanctionné par une inopposabilité qui ne peut être invoquée que par le cédant lui-même ; qu’après avoir relevé que le bordereau litigieux porte la signature du responsable administratif de la société BTP, l’arrêt retient que l’ADAPEI n’est pas fondée à contester l’existence d’un mandat ayant permis de procéder à la cession ; qu’en l’état de ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre au grief inopérant évoqué à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le pourvoi fait encore grief à l’arrêt d’avoir statué comme il fait, alors, selon le moyen :

1°/ que selon les articles L. 313-18 , R. 313-15 et R. 313-18 du code monétaire et financier, pour interdire valablement au débiteur de la créance cédée de payer entre les mains du signataire du bordereau, il appartient à l’établissement bancaire de rapporter la preuve qu’il a notifié au débiteur cédé la cession de créances en respectant les mentions obligatoires prévues ; que l’arrêt attaqué qui, pour déclarer valable la notification revendiquée par la banque en date du 19 décembre 1995, s’est borné à relever que l’état des oppositions, joint à l’envoi, a été dûment complété dès le 18 décembre 1995 par l’ADAPEI qui s’est ensuite conformée pendant plusieurs mois à l’interdiction de payer entre les mains de la société BTP, sans rechercher si la banque rapportait la preuve de ce qu’elle avait porté à la connaissance de l’ADAPEI le 18 décembre 1995 l’ensemble des éléments exigés par l’article R 313-15 du code monétaire et financier, a violé ensemble les articles L. 313-28, R 313-15 et R 313-18 du code monétaire et financier ;

2°/ que l’ADAPEI soutenait que la banque ne rapportait pas la preuve d’une notification valablement effectuée à son bénéfice le 18 décembre 1995 puisque bien au contraire la lettre produite portait une mention manuscrite "remis à M. Y... le 18-12-95 pour remettre à ADAPEI" ; que l’arrêt attaqué, qui, sans répondre à ces conclusions, a jugé se trouver en présence d’une notification valable du seul fait que l’état des oppositions, joint à l’envoi, a été dûment complété dès le 18 décembre 1995 par l’ADAPEI qui s’est ensuite conformée pendant plusieurs mois à l’interdiction de payer entre les mains de la société BTP et l’injonction corrélative qui lui était faite par la banque d’avoir à payer entre ses mains, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir énoncé que la notification de la cession de créances Dailly peut être faite par tout moyen, et rappelé que l’ADAPEI contestait avoir reçu la notification du 18 décembre 1995 émanant de la banque, comprenant la lettre d’interdiction, l’acte de cession, l’exemplaire unique du marché et un état des oppositions, l’arrêt relève que cette dernière justifie de ce que l’état des oppositions joint à l’envoi a été dûment accepté dès le 18 décembre 1995 par l’ADAPEI qui s’est ensuite conformée pendant plusieurs mois à l’interdiction de payer entre les mains de la société BTP et à l’injonction corrélative qui lui était faite d’avoir à payer entre ses mains ; qu’il en déduit qu’à cette date a été portée à la connaissance de l’ADAPEI l’interdiction de payer ; que par ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; »

Sur Legifrance

{ Commentaires fermés }

Luciencastex.com v6 '2011 | Mentions légales